L'ATM est un mode de transmission à haut débit dont le concept a été défini au début des années 80 par le CNET (France Télécom) sous le nom d'ATD (Asynchronous Time Division). Ce mode s'inscrit dans l'évolution logique des autres modes de transmission et notamment de la commutation par paquets.
Rappelons que le premier mode de transmission a été le mode analogique, essentiellement conçu pour la téléphonie: la voix était transformée en un signal électrique par le microphone et, après transmission, subissait un traitement simple: amplification (régénération) + aiguillage (commutation) et le signal était reconstitué sous forme acoustique par un écouteur. L'aiguillage était assuré par des équipements électromécaniques complexes et encombrants, appelés autocommutateurs. A chaque communication était associé un trajet physique réel appelé circuit réel qui reliait les deux correspondants. Un circuit comportait deux fils (une paire) sur lesquels les informations circulaient dans les deux sens: ces circuits étaient bidirectionnels.
Différentes techniques (en particulier le multiplexage fréquentiel) permettaient de véhiculer simultanément, sur des câbles spéciaux, plusieurs conversations téléphoniques. Les réseaux qui utilisaient ces techniques analogiques étaient des réseaux spécialisés: à l'origine, ils ne permettaient en effet de véhiculer qu'un seul type d'information (la voix pour le réseau téléphonique et des caractères pour le réseau télégraphique ou télex). La largeur de bande (c. à d. la capacité de transmettre simultanément beaucoup d'informations d'un utilisateur à son correspondant) de ces réseaux était très limitée: elle correspondait à la bande vocale (800 -3300 Hz). Pour transmettre des données sur le réseau téléphonique, il fallait donc recourir à un artifice et utiliser un équipement, le modem, qui simulait une conversation téléphonique en faisant correspondre à chaque donnée un série de fréquences vocales.
Le numérique, qui est apparu au début des années 70, répondait à plusieurs préoccupations et notamment celle de mieux utiliser l'infrastructure existante afin de pouvoir répondre rapidement à la très forte demande de raccordement au réseau téléphonique en utilisant l'infrastructure de câbles existante, en particulier en zone urbaine, afin d'éviter la coûteuse pose de câbles. On souhaitait également étendre l'application des techniques informatiques et micro-électroniques aux télécommunications et, d'une manière générale, ne pas se contenter uniquement d'une informatisation des commutateurs électromécaniques.
Le numérique, c'est la MIC (modulation par impulsions et codage) et le multiplexage temporel. Le signal acoustique, après avoir été transformé en signal électrique, est découpé, à chaque seconde, en 8000 échantillons individuellement codés sur 8 bits (soit un débit de 8 x 8000 = 64 kbit/s).
[Aux Etats-Unis, pour des raisons d'économie au niveau des bits, on a choisi un codage sur 7 bits (8000 x 7 = 56 kbit/s), choix qui devait s'avérer désastreux par la suite car, en informatique, le codage est fait sur un octet (8 bits). Actuellement, aux Etats-Unis, le passage au codage sur 8 bits est pratiquement achevé en télécommunications.]
A raison de 8000 échantillons/s [en théorie de l'information, pour transmettre sans ambiguïté un signal échantillonné, il faut que la fréquence d'échantillonnage soit au moins le double de la fréquence maximale à transmettre (formule de Shannon)], l'intervalle d'échantillonnage est donc de 125 ms: c'est-à-dire que le circuit n'est pratiquement pas utilisé et qu'il est possible d'insérer sur ce circuit d'autres échantillons correspondant à d'autres communications. L'échantillon associé à une communication est appelé canal. On ainsi a décidé d'insérer sur un circuit physique (c'est-à-dire une paire de fils) 32 canaux. Ainsi, toutes les 125 ms, on a la structure suivante, appelée trame:
IT0 | IT1 | IT2 | IT3 | IT4 | ---- | IT14 | IT16 | ---- | IT28 | IT29 | IT30 | IT31
| |
--------------------------------------------- 125 ms --------------------------------------- |
Cette structure, appelée trame temporelle MIC, comporte 32 intervalles de temps successifs numérotés de 0 à 31, correspondant chacun à un canal et occupant 8 bits (1 octet). En réalité, le premier intervalle de temps (IT0), affecté au repérage du début de la trame, contient ce qu'on appelle le mot de verrouillage de trame; le 16e intervalle de temps (IT15) (canal sémaphore) est affecté à la signalisation concernant les 30 autres canaux.
La capacité d'une paire de fils est donc de 30 canaux unidirectionnels; il faut donc 2 paires pour avoir 30 canaux bidirectionnels; par rapport à l'analogique, on a donc multiplié la capacité de transport du réseau par 15 (ce qui répondait à l'une des préoccupations précitées). Un autre avantage du numérique concerne l'immunité des signaux aux perturbations (la transmission des informations est plus fidèle). Les signaux sous forme numérique sont en outre plus facile à traiter et il est possible de corriger les erreurs en utilisant des moyens appropriés. Le numérique se prête bien à l'application des techniques informatiques voire à la fusion des deux techniques (la fameuse convergence!). Les techniques informatiques sont directement applicables aux télécommunications numériques car la transmission se fait sous forme binaire.
La structure d'une trame MIC est répétitive et monotone, c'est-à-dire que, par exemple, tous les IT1 sont affectés à la même communication, tous les IT2 à une même autre communication, et ainsi de suite. On dit que le transfert est synchrone car, pour pouvoir récupérer toutes les informations relatives à la première communication, il suffit en principe de prélever le mot contenu dans l'intervalle IT1 de chaque trame successive, c'est-à-dire toutes les 125 ms (analogie avec une série de trains successifs comportant chacun 32 wagons dont le chargement concernant la nième communication se trouverait dans le nième wagon de chaque train).
Cette méthode d'organisation dans le temps des informations relatives à plusieurs communications acheminées sur le même support de transmission s'appelle multiplexage temporel. La MIC présente en outre l'avantage de transmettre toutes les informations sous forme binaire, autrement dit d'être bien adaptée à la transmission de données.
On peut aussi envisager de découper les données
d'utilisateur en unités (appelées paquets)
beaucoup plus grandes que le simple octet MIC, puis de charger
ces paquets dans des wagons de plus grande capacité. Ces
paquets seraient de longueur variable (plusieurs dizaines
d'octets). Le premier paquet serait chargé dans
le premier wagon où de la place serait disponible, et ainsi
de suite. Comme ces paquets ne sont pas chargés dans les
wagons à intervalles de temps réguliers, leur transfert
est dit asynchrone. Ces paquets doivent non seulement contenir
les données d'utilisateur (charge utile) mais comporter
des étiquettes indiquant leur destination et leur origine.
Ce mode de transfert et d'aiguillage est le mode paquet.
Il n'existe pas de canal affecté à une communication
(trajet physique); on parle donc de communication virtuelle
et de canal virtuel, la récupération et l'aiguillage
des paquets se faisant par un commutateur de paquets. La
mise en paquet des informations s'effectue par un dispositif de
mise en paquet et la restitution des informations par un dispositif
de dépaquetage.
PA1 | PB5 | PD8 | PD8 | PB6 | PA2 | PE4 | PD8 | PK3 | PA3 | PB7 | PD8 | PB9 | PA4 | PH6 |
Le mode asynchrone utilisé pour l'acheminement des paquets est mal adapté à la téléphonie mais convient bien à la transmission des données, pour laquelle il a été d'abord conçu.
Un contrôle de correction assez élaboré permet d'éliminer les erreurs dans les données. Les paquets peuvent en général transporter une charge utile de l'ordre de 128 octets, à laquelle il faut ajouter une charge transparente pour l'utilisateur ("inutile" du point de vue de l'utilisateur) de plusieurs dizaines de données système (pour indiquer le type de données, délimiter les paquets, indiquer 2 adresses, effectuer le contrôle et la correction des erreurs, etc.).
Cette longueur variable pose un sérieux problème d'insertion des paquets sur un train de paquets. Il faut imaginer en effet un navire porte-conteneurs acceptant des conteneurs de taille quelconque; le remplissage de ce navire poserait d'énormes problèmes et on pourrait même être amené à refuser des conteneurs en raison de leur taille. La structure des paquets est donc assez complexe et assez lourde à manier d'autant plus que, dans chaque paquet, est prévu un contrôle-correction d'erreur relativement élaboré sur la charge utile et surtout sur l'étiquette pour éviter les erreurs d'acheminement et donc la perte de paquets.
En effet, les technologies mises en oeuvre à l'époque dans les réseaux à commutation par paquets ne permettaient pas d'obtenir des taux d'erreur acceptables et il fallait prévoir des moyens de détection-correction des erreurs. Le progrès réalisés en matière de circuits intégrés et de micro-informatique ont permis de diminuer considérablement la fréquence des erreurs dans les réseaux, rendant presque superflu un contrôle d'erreur aussi élaboré.
Les problèmes posés par le maniement relativement délicat des paquets en raison de leur taille variable demeuraient. Les progrès techniques ont permis d'imaginer un réseau universel de type paquets qui ne présenterait pas les inconvénients des réseaux à commutation de paquets: le réseau ATM.
Le mode ATM est donc un mode dérivé du mode de commutation par paquets, dont il conserve la structuration en paquets (appelés, dans le cas de l'ATM, cellules) et le mode asynchrone. En revanche, les cellules sont de taille petite et constante, donc plus faciles à manipuler.
Le réseau fonctionne en mode asynchrone, mais la commutation utilisée permet la synchronisation de l'horloge d'émission et de l'horloge de réception, par bourrage avec des cellules ne contenant pas d'information utile. Il s'agit en réalité d'une commutation rapide de cellules. Comme précédemment indiqué, la mise en oeuvre de l'ATM n'a été rendue possible que grâce aux progrès de la micro-électronique et de la microinformatique
En ATM, les données entrantes sont donc découpées
en cellules puis, après transmission, rassemblées
(dans la sous-couche SAR, Segmentation And Reassembly)
L'en-tête sert à identifier le conduit virtuel (CoV) ou le canal virtuel (CaV) aussi appelés conduits ou voies logiques. Un conduit est un faisceau de canaux. L'en-tête contient également un indicateur de type de charge utile, les informations de commande de flux éventuelle (gestion des encombrements), et diffère selon qu'il s'agit d'une cellule de CoV ou de CaV. La délimitation des cellules s'appelle cadrage. Les deux derniers octets de charge utile peuvent être affectés à la remorque (trailer) qui contient un indicateur de longueur et un code CRC de protection de la charge utile contre les erreurs.
Les dispositifs de commutation assurent l'aiguillage des cellules. On distingue deux types de commutateurs: les commutateurs de conduits appelés brasseurs (cross-connect) et les commutateurs conduits-canaux ou canaux-conduits appelés commutateurs.
Les données peuvent être regroupées en unités de données, de taille variable dont la longueur maximale est de 65 535 octets.
La correction d'erreur porte essentiellement sur les données nécessaires à l'acheminement (en-tête) et non pas sur la charge utile, ce qui permet d'accroître l'efficacité de transmission (rapport longueur de la charge utile sur quantité d'informations de toutes sortes transmise).
Le fournisseur de réseau ATM assure uniquement l'acheminement rapide et fiable des données, c'est-à-dire leur transport. Il n'offre pas de garantie en ce qui concerne le taux d'erreur et il appartient donc aux utilisateurs de prendre les dispositions nécessaires pour éventuellement détecter et éliminer les erreurs. L'en-tête a un rôle très limité car il ne sert qu'à l'identification de la connexion virtuelle (identificateur attribué lors de l'établissement de la connexion).Comme une erreur sur un en-tête peut avoir de lourdes conséquences sur l'acheminement, un contrôle d'erreur est opéré par le réseau sur les en-têtes. L'ATM n'intervient que préventivement pour éviter la perte de cellules pouvant par exemple résulter de débordements ou d'encombrements.
En réalité, la perte de cellules est limitée grâce à l'utilisation du mode orienté connexion: c'est-à-dire que, pendant la phase d'établissement de l'appel, il y a une étape de définition de la connexion virtuelle au cours de laquelle le réseau s'assure que toutes les ressources nécessaires pour la communication sont bien disponibles.
Compte tenu des grandes vitesses utilisées (réseau à large bande) et de la taille réduite du champ d'information des cellules, la caractéristique critique est le temps de transfert des cellules, qui se décompose comme suit : temps de propagation + délai de paquetage + temps de commutation + retard dû aux files d'attente + délai de dépaquetage
L'ATM est bien adapté aux réseaux rapides: les cellules, qui sont petites et de taille constante, sont plus faciles et plus rapides à traiter que les paquets, dont la taille est variable et qui sont dotés d'un imposant système contrôle d'erreur. Les petites cellules sont en effet plus faciles à insérer dans un train de données.
Etant un mode asynchrone, l'ATM peut fonctionner à très haut débit (par fibres optiques) et permet d'offrir des qualités de service et des débits diversifiés. Les réseaux ATM sont des réseaux universels très souples, capables d'acheminer de très nombreux types de services.
L'ATM est le mode de transfert retenu pour le RNIS à large bande car il est indépendant du support de transmission. Rappelons que le RNIS-LB assure deux types de services: les services interactifs (consultation, téléphonie, etc.) et les services de distribution (distribution TV, audio, données, etc.).
La plupart des services assurés par le RNIS-LB font intervenir plusieurs média: son + image, texte + image, etc. Il est possible, au cours d'une même communication, d'établir les connexions exigées pour chaque média.
De plus, le débit peut varier en fonction de l'application, on peut ainsi demander:
un débit fixe (largeur de bande fixe) le réseau garantit une certaine qualité de service en terme de taux de perte de cellules, de temps de transfert des cellules et de variation du temps de transfert des cellules. On parle ici de débit cellulaire crête.
un débit variable (largeur de bande variable) pour des applications intermittentes, c'est-à-dire en fonction de l'activité; il offre les deux mêmes premières garanties que pour le débit fixe. On parle ici de débit cellulaire soutenable.
un débit résiduel: la capacité restante est utilisée pour des sources de trafic souples (c'est le cas du protocole Internet TCP/IP, qui n'est pas un protocole interactif). On parle ici de débit cellulaire minimal.
Les liaisons peuvent être bidirectionnelles-symétriques, bidirectionnelles-asymétriques ou unidirectionnelles.
Rappelons aussi que le RNIS-LB, grâce à l'ATM, permettra d'offrir au particulier, à partir d'un seul raccordement, un grand nombre de services: téléphonie, télévision, radiophonie, transmission de données (Internet et autres services de consultation), courrier électronique, télécopie, etc..
Il existe déjà, aux Etats-Unis, un certain nombre de réseaux d'infrastructure et de réseaux dorsaux à très haut débit, ainsi que de nombreux réseaux d'entreprise fonctionnant en ATM. En Europe, un des plus gros réseaux ATM d'entreprise est celui de la caisse maladie de Finlande, qui comporte plus de 4000 consoles.
L'UIT se dote actuellement d'un réseau ATM dont voici les principales caractéristiques:
- câblage universel hybride cuivre-fibres optiques;
- câbles de distribution doubles en cuivre comportant chacun 4 paires torsadées, blindées et écrantées, garanties à 100 MHz (soit 155 Mbit/s) qui seront utilisés à 25 Mbit/s au début pour des raisons de coût (un adaptateur à 155 bit/s étant deux fois plus cher qu'un adaptateur à 25 Mbit/s);
- 2 prises par fenêtre, soit 4600 prises au total;
- il est prévu en outre 50 prises à fibres optiques;
- 1000 consoles seront desservies;
- liaisons inter-commutateurs à fibres optiques fonctionnant dans un premier temps à 155 Mbit/s et à 622 Mbit/s par la suite (câbles optiques à 12 brins);
- structure du réseau: maillé redondant (pour des raisons de fiabilité, la préférence a été donnée au maillage et non pas à la vitesse);
- nombre de commutateurs: 15 dont 9 locaux + quelques commutateurs de secours. Compte tenu du maillage, chaque commutateur est relié à deux autres commutateurs au minimum;
- 5 bâtiments reliés: UIT (2), CICG,
AELE, ISO/CEI.
Quelques chiffres intéressants:
- 4600 prises
- 200 km de câble, soit environ 50 m par prise
- investissement initial: 3,5 MCHF (l'UIT a bénéficié de tarifs préférentiels)
- fin avril 1997: premiers essais par les services informatiques;
- fin juillet 1997: fin du câblage;
- fin 1997: 400 consoles raccordées + une centaine de serveurs;
- fin 1998: toutes les consoles seront raccordées
Remarque - Il convient de noter que le réseau
téléphonique de l'UIT ne sera pas, pour le moment,
intégré dans le réseau local ATM, car il
fonctionne correctement et il n'y a pas urgence. En revanche,
il sera intégré à l'ISO/CEI. Pour ce qui
est du CICG, le type de câblage n'a pas encore été
choisi.
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